Différents dispositifs interprofessionnels ont été mis en place dans plusieurs pays ouest africains, pour structurer les relations entre les différents maillons des filières céréalières et réguler le marché céréalier. Le CICB, au Burkina Faso, est l’un d’entre eux. Entretien avec son président.
Grain de sel : Pouvez vous présenter le CICB ?
Soumaïla Sanou : Le Comité interprofessionnel des céréales du Burkina Faso (CICB) a été mis en place en juillet 2003. Il réunit les professionnels des filières céréalières (mil, maïs, sorgho) et niébé. Il est composé d’organisations : de producteurs (7 au total, dont la FepaB, l’UGCPA, la Fepassi), de commerçants (Syndicat national de commerçants de céréales), de transformateurs/transformatrices (Fiab), de transporteurs (Syndicat national des transporteurs) et de distributeurs d’intrants et d’équipements agricoles. Cinq maillons forment ainsi le CICB.
Le dispositif couvre l’ensemble du Burkina Faso. Nous avons un bureau national, et des bureaux régionaux (des comités interprofessionnels régionaux) dans les 13 régions du pays.
Au sein de ce comité, nous discutons des problèmes de ces filières en essayant d’y apporter des réponses. De 2003 à 2007, le CICB a joué un rôle important dans la mise en oeuvre du plan d’action sur les céréales, élaboré en collaboration avec le gouvernement. Nous avions un budget pour cela et l’État avait mis à notre disposition une cellule technique d’exécution. Après 2007 l’État n’a pas renouvelé le contrat. Les relations continuent toutefois entre nous : nous sommes en étroite collaboration avec le ministère de l’Agriculture et ses services techniques.
GDS : Quelles étaient les principales activités du plan d’action sur les céréales ?
SS : Nous avons d’abord organisé chaque maillon du CICB. Au départ, seuls les producteurs avaient un niveau assez élevé de structuration, en groupements, unions et fédérations ; les autres acteurs n’étaient pas vraiment organisés ; mais, avec l’appui du CICB, ils se sont aussi peu à peu structurés.
Le CICB a également favorisé la contractualisation entre des producteurs et des commerçants. Les contrats portent sur des prix, des volumes et des délais de livraison. L’interprofession se porte garant de ces contrats.
Nous avons également mené des actions auprès de chaque maillon de l’interprofession. Par exemple, au niveau des producteurs, une opération « intrants », pour faciliter l’acquisition d’engrais, ainsi que l’organisation de bourses céréalières (en collaboration avec Afrique verte) ; au niveau des transformateurs, l’organisation de journées promotionnelles et de semaines commerciales, ainsi que des formations sur les bonnes pratiques d’hygiène ; au niveau des transporteurs, des formations en logistique. En vue d’améliorer la qualité des céréales, le CICB a également doté de bascules et d’égreneuses certains groupements de producteurs.
GDS : Et depuis 2007, quelles sont les activités ?
SS : Nous avons essayé de renforcer ce que l’on avait déjà mis en place, notamment le dispositif de facilitation de l’acquisition des intrants par les producteurs. La structuration des commerçants s’est poursuivie dans les provinces du pays. Nous avons mis à disposition des transformateurs du matériel semi-industriel subventionné (moulins, chauffages à gaz, etc.). Nous avons soutenu, en partenariat avec IFDC, la mise en place d’une organisation des distributeurs d’intrants : Agrodia.
Le CICB a également mis en place un système d’information sur les céréales : environ 50 marchés du Burkina Faso sont suivis pour mettre des informations à disposition des commerçants.
GDS : Avez-vous mené des actions au niveau sous régional ?
SS : Nous travaillons, avec le projet ATP, à la mise en place d’un plan de plaidoyer au niveau sous régional (Cedeao) sur les céréales. En effet on a souvent des problèmes pour faire sortir les céréales du Burkina Faso. Dans le cadre du plaidoyer, nous avons dressé une liste de propositions pour améliorer le commerce régional de céréales : rendre effective la libre circulation des céréales dans l’espace Cedeao, supprimer les taxes sur les produits céréaliers, faciliter l’accès au crédit, promouvoir les relations contractuelles entre acteurs, harmoniser les certificats phytosanitaires, etc.
Le CICB a été aussi mandaté pour coordonner la mise en place d’un réseau régional des acteurs de la filière céréalière : pour être plus forts, nous voulons mettre en place des interprofessions dans tous les pays de la région avant de constituer un réseau des professionnels céréaliers de l’Afrique de l’Ouest. Il faut que les acteurs privés soient dans la danse. Le Mali a déjà mis en place son interprofession, le Togo et le Bénin sont en cours. L’assemblée constitutive du réseau céréalier au niveau de la sous région aura lieu très prochainement. On a beaucoup d’espoir dans le réseau des céréaliers pour améliorer le commerce de céréales dans la sous région et pour faciliter les transferts de produits entre les pays.
GDS : En quoi est ce que le CICB vous est utile, à vous producteur ?
SS : Le CICB me facilite les questions de commercialisation ; il m’amène à pouvoir discuter clairement avec les commerçants. Avant la mise en place de l’interprofession, les producteurs et les commerçants étaient comme des ennemis. Aujourd’hui ce sont des acteurs qui arrivent à discuter. J’ai bien compris maintenant qu’en tant que producteur, il me faut un commerçant pour pouvoir développer mon activité. Le commerçant sait que sans producteur, il ne peut pas exercer son métier. Producteurs et commerçants ont certes des intérêts divergents, mais ils sont complémentaires et ont besoin l’un de l’autre. Voilà pourquoi la mise en place de l’interprofession est importante. Pour moi, le CICB est le lieu qu’il faut pour organiser les marchés céréaliers et gérer l’offre.