Au Mali, dans la zone Office du Niger, les forgerons se sont organisés depuis les années 90 et ont mis en place une structure efficace et rentable pour assurer l’approvisionnement des producteurs de la zone en outils de qualité, à bas prix, adaptés à leurs besoins, et leur offrir un service de proximité en maintenance et réparation.
Depuis sa création en 1932, l’Office du Niger (ON) a fortement encadré la diffusion de la traction animale. Il intervenait ainsi dans l’approvisionnement des paysans en équipements agricoles, le matériel étant importé ou acheté auprès de la Société malienne d’étude et de construction de matériels agricoles (Smecma), et la maintenance relevant de la section Travaux et machinisme de l’ON.
Cette situation a radicalement changé dans les années 1980 avec le désengagement de l’ON des activités productives et commerciales. Les Pays- Bas ont alors lancé un projet d’Amélioration de la riziculture paysanne à l’ON (Arpon), dans le cadre duquel ils ont appuyé la mise en place d’un réseau de forgerons locaux, et réalisé leur formation et leur équipement, afin qu’ils puissent assurer des prestations de proximité aux agriculteurs.
La structuration des forgerons en coopérative.
En 1991, ces forgerons ont créé l’Association des forgerons de l’ON (Afon) qui a été transformée en 1996 en Coopérative (Cafon), puis en Société coopérative (Socafon) en 2003. Ces structures ont été mises en place par les forgerons pour leur permettre de mieux coordonner leurs activités, de leur faciliter l’accès au crédit, de s’approvisionner de façon collective en matières premières, et de s’entraider.
Aujourd’hui, la Socafon compte 22 ateliers, chacun appartenant à un forgeron membre ayant ses propres machines-outils, ainsi qu’un atelier central, basé à Niono, dont la gestion est collective. Elle intervient dans la formation des 44 forgerons membres (techniques de fabrication, mécanique, vie associative et gestion comptable), mais assure aussi l’approvisionnement et le préfinancement des matières premières.
Le développement d’outils adaptés aux besoins des paysans.
Au Mali, les paysans rencontrent de nombreuses contraintes d’approvisionnement en outils : appui conseil insuffisant pour le choix de leurs équipements ; faible pouvoir d’achat qui ne leur permet pas d’avoir accès à des équipements de qualité ; difficultés à obtenir des crédits. Par ailleurs, les pièces de rechange sont difficiles à obtenir pour la plupart des équipements importés.
Pour répondre à ces contraintes, la Socafon offre sur le marché une gamme très variée de produits fabriqués localement, à caractère innovant de par leur facilité d’utilisation, leur robustesse, leur coût réduit et leur adaptation à la capacité technique des utilisateurs.
La qualité des outils est assurée par l’utilisation de matière première standard résistante aux frottements (ferraille industrielle à étirage à froid), ce qui permet d’obtenir des outils avec une espérance de vie de 5 à plus de 10 ans, contre 1 à 3 ans pour les autres produits locaux. L’emploi de gabarits (modèle ou patron de la pièce à fabriquer) au sein de la coopérative permet également une uniformité de production de la gamme des équipements.
La fabrication locale des outils permet aux paysans d’avoir accès à un service après vente : maintenance, réparation. L’approvisionnement en pièces de rechange est assuré par des boutiques villageoises gérées par la Socafon depuis 1990 : les pièces sont ainsi disponibles dans des zones très reculées, ce qui réduit le temps d’immobilisation des machines. D’autres opérateurs privés ont d’ailleurs également ouvert plusieurs dépôts de pièces dans la zone.
Les outils sont élaborés en fonction des besoins locaux des paysans, et la plupart sont adaptés à la traction animale et au motoculteur. Parmi les produits phares de la Socafon, on peut citer :
- du matériel de préparation du sol : équipements aratoires attelés, motoculteurs et accessoires ; la charrue Rumpstad par exemple est un modèle développé depuis , adapté aux conditions de l’ON, très efficace pour les terres lourdes et permettant de lutter efficacement contre le diga (plus de des paysans en sont équipés actuellement) ;
- du matériel post-récolte : batteuse, décortiqueuse, botteleuse, trieuse, mini-rizerie locale et charrettes ;
- du matériel de transformation d’échalote : découpeuse, broyeur, séchoir.
Une initiative rentable.
Depuis 2005, la Socafon a atteint son autonomie financière. Elle bénéficie désormais de crédit fournisseur avec des modalités de paiement intéressantes et n’a donc plus besoin de recourir au crédit bancaire. Cependant, pour ses activités de recherche et d’adaptation de nouveaux prototypes, elle a bénéficié de l’appui de l’Ambassade des Pays Bas jusqu’en 2007. L’activité de la Socafon est donc rentable, le chiffre d’affaire ayant évolué entre 2003 et 2009 de 200 millions à plus de 900 millions de FCFA.
La Socafon est ainsi devenue le premier fournisseur des paysans en équipements agricoles en zone ON, et a aujourd’hui des options sérieuses pour développer l’exportation dans la sous-région. Mais la coopérative connaît encore des difficultés dans son développement, liées en particulier au poids de la fiscalité, à l’accès difficile et coûteux à des matières premières de qualité ainsi qu’à l’électricité, au faible pouvoir d’achat des paysans, à l’insuffisance de crédits en milieu rural, et au manque de financement des recherches sur les nouveaux prototypes.