L’ETUVAGE DU RIZ se pratique depuis longtemps dans les zones de production rizicoles du Burkina Faso. Cette activité, traditionnellement pratiquée par les femmes, est à l’aube de mutations importantes. Ce n’est pas tellement le choix des actrices et des acteurs qui est à l’origine des mutations qui s’annoncent mais la force des choses ou la fatalité, c’est selon.
Des coopératives rizicoles en bien mauvais état suite aux plans d’ajustement structurel. Les plans d’ajustements structurels imposèrent le retrait de l’État de la filière rizicole. La libération du commerce du riz a mis fin aux monopoles accordés par l’État pour l’importation, le traitement et la commercialisation du riz. Les privatisations, la mise sur pied de sociétés d’économie mixte, tout ceci a finalement abouti à la disparition de toutes les grandes structures étatiques impliquées dans la filière rizicole. Survivantes de ces mutations, désorganisées, les coopératives rizicoles se sont retrouvées face à des problèmes de gestion et de commercialisation dont la conséquence majeure est aujourd’hui un endettement et de grosses difficultés de gestion.
Les femmes, au coeur de la commercialisation du riz. Les deux coopératives de Bama et de Banzon sont situées l’une à 30 km et l’autre à 65 km de Bobo Dioulasso. Elles mettent en valeur des périmètres au fil de l’eau qui permettent deux récoltes de riz par année. L’Union des coopératives rizicoles de Bama compte 1158 membres coopérateurs pour une surface totale de 11200 ha. La Société coopérative des exploitants de la plaine de Banzon compte 670 membres pour une surface de 454 ha.
Cette année, l’écoulement de la production de ces deux coopératives s’est uniquement fait par les femmes. En effet, aucune entente sur le prix n’a été trouvée avec les commerçants qui font la transformation du riz local. À titre indicatif, le volume de paddy stocké par la coopérative de Banzon s’est monté à 590 tonnes pour la récolte de la campagne humide 2006. Il faut aussi dire que les conditions générales du marché se dégradent pour les coopératives. L’augmentation de la valeur de l’euro par rapport au dollar a pour conséquence un approvisionnement en riz importé qui coûte de moins en moins cher pour les commerçants.
Les femmes étuvent le riz de leur mari. Quand plus rien ne fonctionne au niveau de la commercialisation, ce sont elles qui ont acheté toute la production. Ne disposant que de peu de moyens, c’est par petites quantités qu’elles ont acheté le paddy, quelques sacs par semaine, chaque semaine et ainsi de suite jusqu’à ce que les entrepôts des coopératives soient vides !
L’étuvage : une activité rémunératrice… L’étuvage consiste à exposer à la vapeur des grains de paddy préalablement réhumidifiés. Après étuvage, le paddy est à nouveau séché puis décortiqué et commercialisé. Ce procédé accroît nettement la qualité technologique du riz car il permet de colmater les fissures du grain et de durcir l’amande. Le rendement en grains entiers lors du décorticage est ainsi amélioré, le taux de grains brisés est plus faible. L’étuvage améliore également la qualité nutritive (vitamines hydrosolubles et minéraux) et la qualité culinaire du riz. Lors de la cuisson le riz étuvé reste ferme, il ne colle pas.
Pour les familles, cette activité des femmes est importante car elle augmente sensiblement les revenus des ménages. Selon nos calculs, corroborés par d’autres études, l’étuvage d’une tonne de paddy dégagerait une valeur ajoutée de 10547 FCFA. Selon leur degré d’activité les femmes peuvent étuver entre 15 et 25 tonnes par année. En prenant 20 tonnes par année on arrive à une valeur ajoutée de 211000FCFA. Selon le Document de stratégie de développement rural à l’horizon 2015 du Burkina Faso, « le secteur rural est le milieu où sévit le plus la pauvreté. La dernière enquête burkinabé sur les conditions de vie des ménages de 2003 révèle que 52,3% de la population rurale vivent en-dessous du seuil absolu de la pauvreté estimé à 82 672 FCFA/personne adulte/an ». Au vu de ces données, la contribution de l’activité d’étuvage jouerait donc un rôle primordial dans la réduction de la pauvreté.
… mais contraignante. Cette activité hautement bénéfique souffre toutefois de nombreuses contraintes. La part grandissant commercialisée par les femmes engorge les marchés locaux et les prix de vente du riz étuvé restent bas. La difficulté de trouver des aires de séchage propres pour le paddy et le riz étuvé fait que des impuretés se trouvent mélangées au produit final. Des grains noirs difficiles à trier se trouvent aussi mélangés au riz commercialisé. Ces difficultés sont peu importantes si la commercialisation continue à se faire localement, au niveau de périmètre et en vrac. Elles sont majeures si l’on souhaite accéder à de nouveaux réseaux de vente pour y chercher une valeur ajoutée plus importante et ainsi désengorger le marché local.
Améliorer la qualité pour mieux vendre. Actuellement le Comité interprofessionnel du riz du Burkina (CIR-B) et ses partenaires (Afdi, SNV, Ceci) ont entrepris une démarche qui vise à l’amélioration de la commercialisation des diff érentes formes de riz produites à Bama et Banzon. Ceci passe par une amélioration de la qualité et du conditionnement du riz, par la recherche de nouveaux débouchés et surtout par le développement des bonnes relations qui existent déjà avec les Caisses populaires.
Les Caisses populaires jouent un rôle moteur central dans le renforcement des activités rizicoles : par l’octroi de crédit intrants aux coopératives puis par la mise en place de crédit stockage, c’est toute la commercialisation qui est consolidée. Le crédit intrant permet l’achat des engrais nécessaires à la croissance du riz. Les producteurs remboursent ce crédit en livrant du paddy à leur coopérative. Le crédit stockage permet à la coopérative de conserver ce paddy et de l’écouler progressivement, sans le brader, aux femmes de leurs coopérateurs. En plus, pour garantir l’accès des femmes au paddy, les caisses populaires de Bama et Banzon sont en train d’expérimenter la possibilité pour chacune d’avoir accès à un fonds de roulement.
L’avenir de la riziculture à Bama et à Banzon passe par la concertation entre les producteurs, leurs épouses transformatrices et les institutions financières dans un jeu qui vise à partager localement une valeur ajoutée qui permet d’améliorer les conditions de vie des familles de riziculteurs. Cet avenir passe aussi par l’amélioration de la qualité et de la présentation des produits commercialisés dans une démarche qui vise à investir de nouveaux marchés plus rémunérateurs.