Complément au dossier
Les conflits qui affectent l’Afrique et singulièrement sa partie occidentale revêtent plusieurs formes : crises politiques aiguës, litiges frontaliers, difficultés liées à la gestion des ressources naturelles et à la non acceptation par les populations du lieu d’implantation de certains équipements, socio-économiques, etc.
En ce qui concerne le monde rural, les conflits courants ont pour origine les litiges liés à la gestion des ressources naturelles et à l’implantation des équipements socio-économiques. Parmi les ressources naturelles objet des litiges, il y a d’abord la question foncière, ensuite la transhumance peulh autour des pâturages et des points d’eau.
La question foncière met aux prises les populations autochtones et les allochtones autour de la colonisation agricole. Plusieurs pays africains sont concernés par ce type de problème. Pour montrer de quelles manières il se pose, on prendra l’exemple du Bénin dont la superficie totale n’est que de 114.762 km² avec une population de 6.700.000 habitants au dernier recensement de 2002. A partir de ces deux chiffres, la densité moyenne du pays est de l’ordre de 58 habitants au km². Mais celle-ci cache de très fortes disparités régionales qui font que la partie méridionale comprise entre la mer et la latitude d’Abomey, soit environ 1/10 de la superficie nationale, accueille les 2/3 de la population avec une densité moyenne de l’ordre de 150 habitants au km². Cette densité n’est que de 50 habitants au km² dans le Département des Collines et entre 20 et 30 habitants dans les quatre départements du Nord. Cette inégale répartition de la population a des conséquences fâcheuses sur le disponible foncier par habitant qui n’est que de l’ordre de 0,50 hectares dans les Départements du Mono et du Couffo, de 0,60 hectares d ans ceux de l’Atlantique et de l’Ouémé, de 3 hectares dans le Département des Collines, de 2,5 hectares dans celui de la Donga et de l’Atakora et de 5 hectares dans le Borgou et l’Alibori.
À partir de ce disponible foncier inégal, les départements les moins occupés font l’objet de très fortes pressions foncières à partir d’une colonisation agricole spontanée et inorganisée. Il en résulte beaucoup de conflits en milieu rural auxquels les autorités locales ont à faire face constamment.
En dehors du Bénin, on connaît aussi bien les conflits opposant les populations NANUBAS et KONKOMBAS dans la partie Nord-Est du Ghana autour des mêmes enjeux fonciers.
Depuis la sécheresse des années 1970, la transhumance peulh est devenue un phénomène courant entre pays sahéliens et pays côtiers. Celle-ci oppose constamment les agriculteurs aux éleveurs autour des points d’eau et des champs de céréales. Aucun pays n’est épargné de cette forme de litige qui entraînent parfois des combats rangés entre Peulhs et agriculteurs avec souvent beaucoup de morts.
Comment réagit-on donc face à ces différents conflits en milieu rural ? Par une médiation assurée à la fois par les autorités traditionnelles et les responsables de l’administration régionale. Mais cette médiation reste le plus souvent inefficace en raison des influences partisanes liées à des jeux politiques et à la corruption. A partir des dons de bœufs que font les peulhs pour acheter la conscience des médiateurs. L’échec de cette médiation aboutit actuellement à deux solutions face aux conflits en milieu rural :
le départ des populations allochtones des terres illégalement occupées ; la délimitation des zones de parcours des bêtes dans les régions d’accueil des transhumans peulhs.
Les deux approches de solutions posent chacune ses problèmes. Le départ des colons des terres anciennement occupées agit négativement sur la capacité productive des régions d’accueil et poussent les colons à la recherche de nouvelles régions d’installation avec résurgence des mêmes conflits. Quant à la délimitation des zones d’accueil des bêtes dans le cas de la transhumance, celle-ci entraîne la surpâture des zones délimitées et pousse les peulhs à la recherche d’autres zones d’accueil en étendant de conflits à de nouvelles régions.
Dans l’état actuel des problèmes de rapports entre autochtones et allochtones ou entre agriculteurs et éleveurs, aucune solution satisfaisante et durable n’est encore trouvée en dépit des efforts déployés sur le terrain par les autorités traditionnelles et politico-administratives et quelques ONG engagées dans la recherche de la paix en Afrique. Ces solutions sont d’autant plus difficiles à trouver que le monde rural depuis le processus de la démocratisation de l’Etat et de la société est devenu un enjeu important des différents partis politiques dans la conquête de pouvoir. Il en résulte alors une certaine politisation de la paysannerie qui ne facilite pas la médiation pour la paix.
Quoiqu’il en soit, la solution aux conflits qui affectent le monde rural, réside à notre avis dans deux actions vigoureuses que doivent entreprendre les autorités :
Mettre en place un programme de levée des cadastres villageois, afin d’asseoir une véritable politique de gestion des terroirs villageois. A partir de ce programme de gestion des terroirs villageois, doter les collectivités locales des patrimoines fonciers d’une part et dégager des réserves foncières à l’État indépendamment des forêts classées dont beaucoup sont déjà entamées par des colons agricoles d’autre part. Ces réserves foncières appartenant à l’État peuvent être aménagées pour accueillir les jeunes des régions agricoles saturées.
Envisager un programme d’aménagement du territoire à partir duquel on offrirait aux populations rurales de meilleures opportunités d’emploi qui soulagerait la pression sur le foncier rural.