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publié dans Autres publications le 29 août 2012

Entretien avec Raul Krauser, de la coordination nationale du MPA (Mouvement des petits agriculteurs) au Brésil

Marine Raffray

Agriculture familialeOrganisations de producteurs et de productricesBrésilEntretien

Inter-réseaux : Pouvez-vous nous présenter le MPA ?
Raul Krauser : En 1996, année de sécheresse dans l’Etat du Rio Grande do Sur, 30 000 familles paysannes se sont retrouvées déplacées dans des campements. Certaines d’entre elles se sont mobilisées et ont créé le MPA. On était alors en pleine mise en place du néo-libéralisme au Brésil, et une situation de crise économique pour les agriculteurs, qui ne parvenaient pas à avoir accès au crédit. A cette époque, le syndicalisme était très (trop ?) lié à l’Etat, et pas assez fort pour offrir des solutions face à la crise. L’objectif du MPA était alors de construire une autre forme de syndicalisme, plus indépendant, en prenant l’exemple du MST (Mouvement des sans-terres).
La volonté du MPA est de valoriser l’agriculture familiale, qui a toujours été marginalisée, dépréciée et considérée comme appartenant à une autre époque.
Une des principales réalisations du MPA est l’élaboration du Plano Camponês (Plan Paysan), qui vise à améliorer les conditions de production et les conditions de vie en milieu rural, et à mieux intégrer l’agriculture familiale dans la société brésilienne.

Le MPA : une organisation alternative de la paysannerie brésilienne

Le MPA est un mouvement paysan, de caractère national et populaire, de masse, autonome, de lutte permanente. Son principal objectif est la production d’aliments sains pour les familles de producteurs ainsi que pour tout brésilien, garantissant ainsi la sécurité alimentaire du pays. Par ailleurs, le MPA cherche à valoriser l’identité et la culture paysannes, en respectant les spécificités régionales.

Le MPA appartient à la Via Campesina, réseau international de mouvements paysans, et lutte avec d’autres mouvements et secteurs de la société pour un Projet Populaire au Brésil.

Le MPA est actuellement présent dans 17 Etats du Brésil.

http://www.mpabrasil.org.br/mpa-uma-alternativa-de-organizacao-do-campesinato-brasileiro

Inter-réseaux : Quel rôle a joué le MPA dans la stratégie Fome Zero ?
Raul Krauser : Le rôle du MPA s’inscrit dans les programmes du Programme d’acquisition d’aliments (PAA) et du Programme de renforcement de l’agriculture familiale (PRONAF). Il y participe depuis leur mise en place en 2002.
Plus précisément, les ressources du PAA proviennent du Ministère du développement social et du combat contre la faim (MDS) et transitent par les municipalités et la Conab (Compagnie nationale de l’offre alimentaire). Les antennes du MPA présentes dans les Etats travaillent avec les mairies et la Conab. Dans l’état de Santa Catarina, des agriculteurs membres du MPA produisent des semences paysannes, qui sont distribuées aux agriculteurs inscrits dans le PAA.
Le MPA joue en fait un véritable rôle de facilitateur de la participation des agriculteurs aux programmes de Fome Zero. Dans le cadre du Programme national d’alimentation scolaire (PNAE), il recense les agriculteurs et organisations de producteurs potentiellement bénéficiaires, ainsi que les écoles et autres structures intéressées par leurs produits, puis constitue un dossier soumis à la Conab qui juge de la faisabilité du projet. Le MPA aide également les agriculteurs à s’organiser dans leur participation aux programmes, notamment pour qu’ils respectent les délais et volumes d’approvisionnement.

Inter-réseaux : Par quels moyens le MPA participe-t-il à Fome Zero?
Raul Krauser : Le secrétariat du MPA, situé à Brasilia, a participé à des réunions avec des responsables de la Conab et d’autres instances qui ont mis en place le PAA. Le MPA est également représenté dans les Conseils de gestion du PAA, et au sein du Conseil national de sécurité alimentaire et nutritionnelle (CONSEA). Les journées de lutte et de mobilisation sont aussi un vecteur de participation.

Inter-réseaux : Quel regard portez-vous sur la stratégie Fome Zero ?
Raul Krauser : Fome Zero est quelque chose de très positif à nos yeux, qui fait beaucoup pour l’agriculture familiale, même si l’on relève de grosses lacunes.
Ainsi, l’accès au crédit du PRONAF se fait toujours par les banques, qui exigent des garanties que ne peuvent livrer les familles, comme des certificats de propriété des terres agricoles. Le MPA propose à l’inverse que le crédit du PRONAF soit sorti du système conventionnel bancaire. La législation est elle aussi inadaptée. Les mêmes règles sanitaires sont demandées à l’agriculture familiale et à l’agro-industrie. Ce genre de problème empêche aux programmes de prendre de l’envergure. Le PAA bénéficie encore à trop peu d’agriculteurs.
Un autre point qui nous contrarie est la faible structuration de l’Etat (manque de personnel, de moyens). L’Etat ne semble pas se doter des outils nécessaires à la mise en œuvre des programmes. Mais nous restons très heureux des initiatives portées par Fome Zero, tout n’est pas négatif ! En 2011, l’agriculture familiale a réussi à commercialiser des produits d’une plus grande diversité, ce qui est bénéfique pour la valorisation de produits locaux et traditionnels, et pour l’environnement.

Inter-réseaux : Avez-vous rencontré des obstacles à votre implication dans Fome Zero ?
Raul Krauser : Malgré la bonne volonté des gestionnaires des programmes, la structure de l’Etat n’est pas faite pour cette participation. Il manque des espaces de participation. De plus, nous sommes en ce moment sous un gouvernement de coalition qui doit satisfaire tout le monde donc il n’est pas facile de se faire entendre.

Inter-réseaux : Quelles opportunités voyez-vous dans l’avenir pour le MPA dans Fome Zero ?
Raul Krauser : Nous pensons participer davantage aux conseils de sécurité alimentaire locaux, mais nous n’en faisons pas notre priorité, car pour l’instant ces conseils ne sont pas très participatifs, les choses sont déjà décidées à l’avance.
En revanche, nous allons poursuivre notre travail de facilitation. Cela passe notamment par l’aide à la formation de coopératives de producteurs pour faciliter l’accès aux programmes, ainsi que par notre participation aux groupes d’accompagnement au PAA mis en place par les équipes de la Conab.

Propos recueillis par Marine Raffray d’Inter-réseaux et Flore Musson du CFSI

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