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publié dans Autres publications le 5 mars 2013

Entretien avec Bintou Guindo Présidente de l’interprofession de la filière échalotes/oignons (IFEO) au Mali

Inter-réseaux

OignonOrganisations interprofessionnellesMaliEntretien

Cette interview a été réalisée lors d’un voyage d’étude sur les interprofessions françaises organisé par la Fondation FARM du 17 au 19 décembre 2012 à Paris.

Madame Bintou Guindo est productrice d’échalote en zone Office du Niger, dans la région de Ségou, au Mali. Elle est administratrice de l’organisation des producteurs depuis 2006 et présidente de l’interprofession échalote et oignon du Mali depuis 2011.

Inter-réseaux : Pourriez vous nous décrire le processus de mise en place de votre interprofession ?
Bintou Guindo :
L’idée de mettre en place une interprofession est venue des producteurs, face à un problème d’écoulement de leurs produits. En effet, en saison des pluies, les commerçants ne viennent pas dans les villages. Ils restent dans les villes et les producteurs ont de réelles difficultés à vendre leurs produits. Nous sommes donc allés voir les commerçants et nous avons commencé à instaurer un dialogue avec eux. Les commerçants ont été intéressés par cette démarche interprofessionnelle, car ils avaient des difficultés à trouver des produits de qualité. Ce processus a débuté en 2008 et l’interprofession a été créée en 2011. Elle réunit aujourd’hui des producteurs et des commerçants, organisés en faitières (la faitière des producteurs inclut les producteurs, les transformatrices et les productrices de semences). Actuellement, l’interprofession compte 12 000 producteurs, et environ 500 commerçants. L’interprofession est présente dans deux régions du Mali, où les conditions de production de l’oignon et de l’échalote sont différentes . Tout récemment deux autres régions du Mali – Tombouctou et Kayes – ont demandé d’adhérer.
Notre interprofession est décentralisée, il y a des comités régionaux, avec leurs élus. Nous avons aussi des salariés : un secrétaire exécutif, un comptable et un animateur dans la région de Ségou.

IR : Quelles sont aujourd’hui les activités menées par votre interprofession ?
BG :
Il y a encore relativement peu d’activités. Les producteurs et les commerçants ont signé un accord interprofessionnel, qui constitue un cahier des charges que le producteur doit respecter, principalement sur la qualité du produit. Lorsqu’un commerçant souhaite acheter de l’échalote, il téléphone et on l’oriente vers les producteurs. De leur côté les producteurs peuvent appeler des commerçants quand ils ont des produits à vendre. L’interprofession favorise ainsi la rencontre entre l’offre et la demande, mais elle n’intervient pas dans la fixation des prix.
L’interprofession s’est également donnée pour mission de faire de la veille commerciale, au profit des producteurs et des commerçants. Depuis 6 mois des agents collectent les prix sur différents marchés et une équipe spécialisée rassemble et diffuse les prix une fois par semaine (le mardi), par mail et à la radio. Nous formons également les producteurs à l’utilisation de la fumure organique pour fertiliser leurs champs et permettre un meilleur stockage des oignons et des échalotes. Il est important pour les commerçants que l’échalote et l’oignon se conservent au moins une semaine, le temps d’atteindre les marchés finaux. Bien cultivée puis bien stockée, l’échalote peut se conserver 5 mois.
Nous sommes aussi allés voir le PCDA, un projet de l’Etat du Mali, pour construire deux infrastructures pour les producteurs et les commerçants .

IR : Souhaitez-vous mettre en place d’autres activités ?
BG :
Nous voulons diminuer le nombre d’intermédiaires entre les producteurs et les commerçants. Nous souhaitons aussi exporter davantage. Souvent ce ne sont pas les commerçants membres de l’interprofession qui exportent le produit mais d’autres commerçants, non membres.
Nous allons également envisager la mise en place d’une taxe sur les importations d’oignons et d’échalotes. Une priorité est l’appui à la productivité des producteurs. La demande est aujourd’hui supérieure à l’offre. Nous pourrions par exemple davantage exporter en Guinée Conakry.

IR : Notez-vous des avancées depuis la mise en œuvre de l’interprofession ?
BG :
Nous constatons une certaine satisfaction, surtout de la part des commerçants. Auparavant ces derniers venaient avec des camions et des remorques au marché pour chercher le produit, mais il arrivait qu’ils repartent avec les camions vides, faute de produits disponibles. Aujourd’hui, les commerçants n’ont plus ce problème : ils viennent s’approvisionner là où le produit est disponible.

IR : Avez-vous instauré un mécanisme de financement de l’interprofession ?
BG :
Nous avons mis en place un système de prélèvement (2%) sur la production et la commercialisation. Mais il est très difficile à prélever ces cotisations car les produits sont vendus de tous les côtés (à domicile, au marché, dans la rue, etc.). Notre idée actuelle, c’est que les transporteurs se structurent en faitière et deviennent membres de l’interprofession, pour mettre en place un système de prélèvement à leur niveau. Mais il va falloir les convaincre. Si les transporteurs adhèrent, il sera facile de faire le prélèvement car tous les produits sont transportés via le barrage de Markala.

IR : Quel intérêt auraient-les transporteurs à adhérer à l’interprofession ?
BG :
Ils ne voient pas d’intérêt pour l’instant, car ils ne sont pas spécialisés dans l’échalote. Ils transportent un peu de tout. S’ils se spécialisaient dans l’échalote, ils y verront peut être un intérêt. Au Mali, cela fait 4 mois qu’il n’y a pas assez d’échalotes sur les marchés et une spécialisation de leur part est envisageable car elle pourrait être rentable. Nous pensons que nous allons réussir à les convaincre : j’ai rencontré le président des transporteurs nationaux à Bamako, qui m’a assuré qu’il ferait tout son possible pour rejoindre l’interprofession lors la campagne prochaine.

IR : Comment est financée l’OIP aujourd’hui ?
BG :
Elle est financée par les cotisations des membres (300 000 FCFA par faitière) et par notre partenaire, le projet PCDA, qui finance pour moitié nos actions.

IR : Comment sont prises les décisions dans l’OIP ?
BG :
Les décisions sont prises à l’unanimité, par les 11 membres. Il y a souvent des blocages, surtout sur les aspects commerciaux (nos amis commerçants veulent tout gagner !). Mais c’est principalement en raison de la forte variabilité des prix de l’échalote (les prix peuvent tripler en 3 mois) que nous n’avons pas d’accord sur les prix. Les commerçants accusent parfois les producteurs, à tort, de ne pas respecter le cahier des charges. Pour nous assurer du respect du cahier des charges et donc de la qualité des produits, nous nous fions à nos agents collecteurs dans les différents marchés, mais il est impossible de surveiller la qualité des produits qui sont vendus hors des marchés (dans les maisons, etc.). Les agents collecteurs sont des élus de l’interprofession.

Propos recueillis à Paris, en décembre 2012

Pour télécharger l’entretien (PDF, 2p):
http://www.inter-reseaux.org/IMG/pdf/Entretien_Bintou_Guindo_IFEO.pdf

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