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publié dans Autres publications le 5 mars 2013

Entretien avec Ablaye Dieng Président du Comité national de concertation sur la filière tomate industrielle au Sénégal (CNCFTI)

Inter-réseaux

Organisations interprofessionnellesTomateSénégalEntretien

Cette interview a été réalisée lors d’un voyage d’étude sur les interprofessions françaises organisé par la Fondation FARM du 17 au 19 décembre 2012 à Paris.

Inter-réseaux : Quelles sont les évolutions récentes de l’interprofession « tomate industrielle » au Sénégal ?
Ablaye Dieng : L’interprofession de la tomate industrielle au Sénégal sort d’une année difficile : en raison d’importantes importations de triple concentré de tomates, nous avons été contraints de demander aux producteurs de diminuer leur production. L’industriel avec qui nous travaillons – la Socas (Société de conserves alimentaires au Sénégal) – n’a pas pu tenir ses engagements ; il ne nous a acheté l’an dernier que 30 000 tonnes de tomates fraiches (au lieu de 75 000 t en 2010-2011). Depuis que l’interprofession existe c’était la première fois que cela arrivait !
Avec l’entrée récente de deux nouveaux industriels (Agroline et Takamoul Food) dans l’interprofession, nous espérons revenir à une production normale. Cette année, les trois industriels ensemble se sont engagés à acheter 75 000 t de tomates fraiches.
Par ailleurs, le nouveau gouvernement du Sénégal semble disposé à nous soutenir. Il a imposé aux industriels de nous acheter l’intégralité de notre production, avant de recourir aux importations de concentré en provenance de Chine. Les quotas d’importations sont désormais fixés au prorata de la production achetée auprès des producteurs locaux. Les industriels seront donc obligés de nous acheter notre tomate avant d’importer. On sent donc qu’il y a des évolutions positives. Mais il a fallu que nous, producteurs, nous mobilisions pour que ces décisions soient prises.

IR : Qui compose aujourd’hui l’interprofession ?
AD :
L’interprofession compte deux collèges stratégiques : celui des producteurs et notre partenaire industriel historique (la Socas) ; ainsi que des collèges associés : la caisse nationale de crédit agricole, qui assure intégralement le financement du crédit, et les institutions publiques.
Récemment, nous avons accueilli deux nouveaux industriels dans l’interprofession : Agroline en 2011 (qui ne nous a acheté que 11 000 t l’an passé) et Takamoul Food en 2012.
Cette année Agroline nous prendra 25 000 t, la Socas 30 000 t, et Takamoul Food 20 000 t. Alors qu’Agroline et Takamoul Food n’effectuaient auparavant leurs opérations de transformation qu’avec du triple concentré importé, ils vont désormais s’approvisionner localement et ne pourront importer qu’en fin de campagne, si nécessaire.

IR : Les contrats avec les deux nouveaux industriels seront-ils les mêmes qu’avec l’industriel historique (la Socas) ?
AD :
Oui, à quelques exceptions près : par exemple, Agroline nous a demandé de fixer une date différente pour la livraison de notre production (en février prochain). Le prix de vente est identique dans les 3 contrats, à savoir 52 FCFA le kg de tomate livrée. Les contrats spécifient le prix de vente, les dates de livraison, le paiement, mais aussi des critères sur la qualité et sur les variétés de tomate cultivées.

IR : Les contrats sont-ils toujours respectés ?
AD :
Oui, à l’exception de l’an dernier. Il peut y avoir quelques légers soucis concernant le délai de paiement, qui est normalement de un mois : il y a parfois quelques jours de retard . En cas de problèmes d’arbitrage, c’est la chambre de commerce et d’industrie qui tranche.

IR : Qu’en est-il au niveau des producteurs, respectent-ils toujours leurs engagements ?
AD :
Oui, quand nous nous engageons dans un contrat, nous faisons tout pour le respecter. Le problème de l’an passé nous a forcés à limiter notre production, à faire des réajustements pour permettre à un nombre satisfaisant de producteurs d’aller en campagne, en diminuant la production par producteur.

IR : Quel est le calendrier dans la mise en œuvre du contrat ?
AD :
La première étape consiste à demander les intentions culturales aux producteurs et la quantité souhaitée par l’industriel. A partir de là on ficèle les contrats, négociés entre l’organisation des producteurs et l’industriel, en juin-juillet. Le contrat signé est déposé à la banque et permet au producteur d’obtenir un crédit de campagne. La livraison de la tomate à l’industriel a lieu entre février et avril, au plus tard le 10 mai, et le paiement aux producteurs dans les 30 jours qui suivent. La quasi-totalité de la tomate livrée à l’industriel se fait dans le cadre du contrat du Comité interprofessionnel. L’Etat subventionne l’engrais à hauteur de 50% : seuls les producteurs membres du Comité bénéficient de cette subvention ; c’est un moyen d’inciter les producteurs à faire partie du Comité.

IR : Commet se prennent les décisions dans l’interprofession ?
AD :
Les décisions se prennent dans le cadre du comité de concertation nationale sur la tomate industrielle. Elles sont prises en réunion, avec des représentants de la Socas, des producteurs, la banque, la Saed (Société nationale d’aménagement et d’exploitation des terres du delta du fleuve Sénégal, de ses vallées et de la Falémé), les fournisseurs, etc. Nous discutons et finissons par tomber d’accord, unanimement. La négociation du contrat se fait uniquement entre les producteurs et l’industriel. Le plus souvent la négociation se passe bien, nous trouvons toujours des terrains d’entente.

IR : Y a-t-il des concertations entre les producteurs en amont de ces réunions de négociation ?
AD :
Oui, tout à fait. Les producteurs se réunissent avant la réunion du Comité : il y a souvent un projet de contrat qui nous est remis préalablement par l’industriel. Cette année par exemple, les trois industriels nous ont chacun remis un type de contrat et nous nous sommes réunis pour dire exactement ce que nous pensions de ces contrats. Le jour J, les producteurs s’adressent aux trois industriels d’une seule voix.
Les industriels par contre, ne discutent pas entre eux. La Socas en voulait aux deux autres d’avoir acheté du triple concentré l’an passé, ils étaient souvent en conflit pendant les réunions. Le prix de la tomate a ainsi été fixé à 52 FCFA/Kg cette année. Il faut savoir qu’il était de 17 FCFA/Kg à la création de l’interprofession.

IR : Comment est ce que l’Etat soutient la filière tomate industrielle au Sénégal ?
AD :
A travers deux choses : la subvention aux engrais et la Saed, qui met à disposition du Comité un poste de secrétaire administratif. C’est un soutien important.

IR : Est-ce que la Socas intervient dans l’appui aux producteurs ?
AD :
Oui, dans le cadre de l’interprofession, elle intervient principalement dans l’appui conseil : sur les itinéraires techniques, les techniques de traitement, l’augmentation des rendements, etc. Mais le nombre d’encadreurs par rapport aux producteurs est vraiment très faible : il n’y a que deux encadreurs de la Socas. L’Etat a également quelques agents d’appui-conseil, mais ils ne sont pas très nombreux non plus, et disposent de peu de moyens.

IR : Comment se finance l’interprofession ?
AD :
Pour assurer le financement de l’interprofession, nous effectuons un prélèvement au moment de la livraison de la tomate à l’industriel. Chaque producteur verse 0,5 FCFA par kilogramme vendu ; l’industriel, de son côté, verse 0.5 FCFA par kilogramme acheté. Cet argent nous sert essentiellement à couvrir nos dépenses de fonctionnement. Nous nous appuyons uniquement sur ces cotisations pour faire fonctionner l’interprofession. Nous sommes autonomes financièrement.

IR : Le marché de la tomate industrielle est il concurrentiel ?
AD :
Oui, le marché est très concurrentiel. Les importateurs de triple concentré font beaucoup de publicité et les citadins, notamment de Dakar, ne savent pas toujours qu’il existe aussi de la tomate locale. Il y a également des différences de prix : le triple concentré est beaucoup moins cher que la tomate sénégalaise.

IR : Quels sont les problèmes actuels de la filière tomate industrielle ?
AD :
Plus de 80% des producteurs ne parviennent pas à élever leur rendement. Je pense que c’est dû à un problème de formation. Lorsque j’ai arrêté mes études et commencé à produire des tomates, je faisais 30 t par Ha. Il a fallu qu’un des encadreurs de la Socas, qui était un ami, me dise comment traiter, irriguer, etc. pour que j’obtienne de bons rendements.
Nous avons eu des formations, mais dans des salles, alors que la formation devrait se faire au niveau des villages. Les formateurs devraient descendre sur le terrain pour rencontrer les producteurs.

Propos recueillis à Paris, en décembre 2012

Pour télécharger l’entretien (PDF, 3p.):
http://www.inter-reseaux.org/IMG/pdf/Entretien_Ablaye_Dieng_CNCFTI.pdf

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